Ref: Porta S, Crucitti P, Latora V (2006), Analyse du réseau des voiries urbaines: une approche directe, «Géomatique Expert», 53, 56-71.

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«Entre lesquelles l’une des premières fut que je m’avisai de considérer que souvent il n’y a pas tant de perfection dans les ouvrages composés de plusieurs pièces, et faits de la main de divers maîtres, qu’en ceux auxquels un seul a travaillé. Ainsi voit-on que les bâtiments qu’un seul architecte a entrepris et achevés ont coutume d’être plus beaux et mieux ordonnés que ceux que plusieurs ont tâché de raccommoder, en faisant servir de vieilles murailles qui avoient été bâties à d’autres fins. Ainsi ces anciennes cités qui, n’ayant été au commencement que des bourgades, sont devenues par succession de temps de grandes villes, sont ordinairement si mal compassées, au prix de ces places régulières qu’un ingénieur trace a sa fantaisie dans une plaine, qu’encore que, considérant leurs édifices chacun à part, on y trouve souvent autant ou plus d’art qu’en ceux des autres, toutefois, à voir comme ils sont arrangés, ici un grand, là un petit, et comme ils rendent les rues courbées et inégales, on diront que c’est plutôt la fortune que la volonté de quelques hommes usants de raison, qui les a ainsi disposés.» (Descartes,  Discours de la méthode). À l’aube de la modernité, Descartes définit la géométrie euclidienne comme le seul système ordonné capable, aux yeux d’un homme raisonnable, de s’appliquer à des motifs environnementaux, comme les jardins, les paysages, les routes et les villes. Presque trois cents ans après, Charles-Edouard Jeanneret-Gris dit Le Corbusier réagit violemment contre le retour, prêché par Sitte, à l’esthétique sociale des entrelacs médiévaux, par cette célèbre invective : « La rue courbe est le chemin des ânes, la rue droite le chemin des Hommes » (1925). Seuls des ânes auraient pu concevoir les cités historiques d’Europe, avec leur fouillis de ruelles étroites et cet horrible, chaotique enchevêtrement d’intersections et de places. Actuellement encore, la géométrie euclidienne exerce une sorte de tyrannie sur les architectes et les aménageurs urbains, une obligation lorsqu’il s’agit de tracer des routes, des quartiers ou des villes. Tout comme lors dure nouvellement urbain de naguère,  les vieux quartiers restent sous estimés quant à leurs valeurs les plus fondamentales : certes ils sont pittoresques, agréables et intéressants en raison de leurs architectures originales, mais leur structure est dévalorisée : ils sont désordonnés.